Ils témoignent
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11# Patricia et André
« La critique est facile mais l’art d’aider est difficile »
Annie. – Vous avez été une Aidante Patricia ?
Patricia. – Oui, le rôle d’Aidante auprès de ma mère a débuté au décès de mon père en 1995. J’ai été aidante durant 25 ans, ça s’est installé petit à petit… ma mère me demandait une présence régulière, aide aux démarches administratives accompagnement aux courses, déplacements… etc., jusqu’à une présence totale et surveillance durant quatre années dont deux années dans une grande dépendance sous notre toit.
La maladie a été progressive, un rétrécissement du canal lombaire a déclenché en 2 ans une perte des gestes moteurs - manger, boire - et aussi, une chute va accélérer la perte de la marche. Pendant ces deux années où ma mère va se retrouver alitée et complètement dépendante chez nous.
Annie. – Avez-vous géré seule la situation ?
Patricia. – En partie seule mais heureusement entourée moralement et aussi sur des actes de la vie quotidienne par mes enfants et mon mari André (présent durant l’entretien).
Annie. – Quelles sont les tâches que vous avez assumées en tant qu’Aidante ?
Patricia. – Tous les actes de la vie quotidienne, les démarches administratives, la gestion médicale, la prise de décision telle que le choix de l’hospitalisation. J’étais seule décisionnaire.
Annie. – Quels ont été les obstacles rencontrés ?
Patricia. – Plus de vie de famille, manque de temps pour mes propres enfants.
Présence 24h/24, surveillance nuit et jour.
Trouver une auxiliaire de vie fiable. Problématique du transport, nous avons dû acheter un véhicule adapté pour fauteuil roulant.
Des déconvenues aussi, comme se rendre à un RDV dentaire et à l’arrivée pas possible d’avoir la consultation car le siège chez le dentiste n’est pas adapté au transfert de la personne porteur d’un handicap.
L’épreuve des déplacements, l’organisation pour aménager un fauteuil électrique, se rendre chez le pédicure.
Tout est difficile.
Réfléchir à l’aménagement de la maison, l’accessibilité à la douche…
Annie. – Quelles étaient vos inquiétudes ? L’impact sur votre vie personnelle ?
Patricia. – Pas d’inquiétude particulière mais le fait d’avoir des reproches en retour de la part d’autres membres de ma famille… La critique est facile mais l’art d’aider est difficile.
Je n’ai pas de culpabilité, mais je me suis souvent demandée si autour de moi la question de « est-ce que je fais ça par intérêt ? » se posait. Peur du jugement.
Moi, j’ai toujours vu le bien-être de maman, je n’ai jamais regardé le prix de ses besoins qu’ils soient alimentaires, de chaleur ou produits de confort.
Même pour l’entrée en Maison de Retraite le prix n’a pas déterminé le choix de celle-ci, mais la priorité était les soins qu’elle y recevrait.
Annie. – Quelles méthodes ou ressources heureuses avez-vous trouvé ?
Patricia. – Garder une activité professionnelle même très réduite. Cela me permettait de couper un peu.
La visite des enfants le week-end m’apportait de la joie, un souffle de vie, même pour ma mère.
Annie. – À quelles valeurs, selon vous, répond le rôle de l’Aidant ?
Patricia. – Être Aidant est un travail à plein temps avec beaucoup de bienveillance. Je regrette le regard médisant des autres sur ce rôle.
Annie. – Quelle est l’émotion qui vous a traversé le plus dans ce rôle ?
Patricia. – La tristesse d’avoir vu le changement de ma mère qui a été une femme active et soudain atteinte dans sa dignité par sa perte d’autonomie, sa fragilité. Elle le manifestait par de la colère envers nous, même si j’étais là auprès d’elle.
Elle n’acceptait pas son état.
Annie. – si vous aviez un espoir à formuler pour ce rôle d’Aidant à l’avenir, ce serait lequel ?
Patricia. – Mon espoir se pose sur des moyens pour un meilleur accompagnement avec l’assurance de la compétence des professionnels, la fiabilité sur la prise de rendez-vous et le respect de notre temps.
Tout cela participerait à une meilleure prise en charge de l’accompagnement à domicile.